ABRABANEL

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Abrabanel ou Abarbanel (Isaac ben Juda ou Yz ムaq ben Yeh dah) est considéré comme le dernier philosophe juif d’Espagne. Il fut d’abord un homme d’État et servit la maison royale d’Espagne jusqu’à l’expulsion des Juifs, en 1492. Il se réfugia alors en Italie où il composa ses ouvrages, qui consistent surtout en des commentaires. Ces œuvres sont le reflet de l’époque: par leur étendue d’abord et par un raffinement scolastique un peu verbeux qui marque la fin de l’aristotélisme; par leur érudition et par l’accumulation des discussions qui cache mal une pensée peu originale; enfin, par des conclusions souvent contradictoires, qui reflètent le déchirement de la génération de l’Expulsion.

Le conflit entre les théories philosophiques universalistes et un attachement plus proprement religieux à la tradition existait depuis plus de deux siècles chez les penseurs juifs. La philosophie sous sa forme averroïste admettait généralement que la vérité philosophique ne différait de la vérité religieuse qu’en ce que la première est démontrée aux savants capables de la comprendre, tandis que la seconde, nécessaire à la vie politique, est destinée au peuple. Dans la période du grand danger couru par l’ensemble du peuple juif, savant et non savant, qui fut celle d’Abrabanel, le conflit ne pouvait être que plus aigu encore. Deux attitudes étaient possibles: retourner à un judaïsme fidéiste en acceptant la tradition, à laquelle s’identifiait souvent la Kabbale – c’est celle qu’adopta (avec beaucoup de modération) Isaac Abrabanel –, ou bien s’assimiler plus encore à la culture humaniste du monde chrétien – c’est ce que fit Judas, son fils (Léon l’Hébreu), qui se fixa en Italie et composa les Dialoghi d’amore .

C’est à la manière philosophique traditionnelle qu’Abrabanel aborde les grands problèmes posés à la conscience religieuse médiévale (création, prophétie), c’est Maimonide qu’il défend contre les attaques de Crescas. Mais la solution qu’il adopte finalement est influencée par la Kabbale et Isaac Arama: Dieu ne peut aucunement être connu par réflexion philosophique. La création du monde ex nihilo est la seule hypothèse religieusement acceptable, bien qu’elle ne puisse être philosophiquement démontrée. Quant à la question du temps dans lequel se placerait l’acte créateur, Abrabanel tente de la résoudre en émettant l’idée que Dieu crée des mondes innombrables et les détruit après un temps donné.

La prophétie est définie comme un phénomène surnaturel qui vient corriger les défauts naturels du prophète, son imagination comme son intellect, mais la prophétie ne peut résider que dans un homme dont l’âme est constamment tournée vers Dieu. Cela n’est possible que dans une nation libre vivant sur sa terre, la terre d’Israël, et non point lorsque le juif, accablé de calamités, est asservi au bon vouloir des rois.

La Loi (T 拏rah) est une loi divine qui n’a plus grand-chose à voir avec les événements de l’histoire humaine dans lesquels nous vivons: il y a deux histoires, l’histoire humaine et naturelle, l’histoire divine et surnaturelle; à la rencontre des deux, se trouve l’histoire biblique où Dieu est intervenu. Le Messie n’est pas le Roi vainqueur qui rétablira l’indépendance du peuple juif et le restaurera sur sa terre par ses vertus militaires, comme il l’était pour Maimonide, mais un inspiré de Dieu, dont les miracles s’insèrent dans un contexte de guerre, de révolution, de fin du monde.

L’originalité d’Abrabanel est surtout visible dans ses théories politiques. Pour lui, l’histoire humaine, naturelle, en fait, ne l’est pas du tout; elle est artificielle, car la vraie «nature» est d’essence miraculeuse. La vie d’Israël dans le désert, celle où tout dépendait de la générosité divine, est analogue à la vie, authentiquement «naturelle», d’Adam avant la faute. La faute d’Adam a bouleversé tout l’ordre de la nature: la civilisation, avec ses villes et son gouvernement, est une rébellion contre Dieu; la seule vie vraiment naturelle est celle d’hommes libres et égaux, vivant une vie agreste. Lorsque Abrabanel discute du meilleur gouvernement possible dans notre civilisation, c’est dans le contexte de cette vie fausse; et il s’agit plutôt du moins mauvais gouvernement, car tous sont mauvais à la base; seul le règne messianique rétablira la vie humaine naturelle.

La monarchie assurait, disait-on, les trois conditions de la bonne marche de la société: unité, continuité et pouvoir absolu. Selon Abrabanel, la société peut se maintenir et subsister dans des gouvernements autres que la monarchie absolue; l’unité peut être atteinte par la volonté unanime de plusieurs personnes. Et le philosophe cite le gouvernement par des juges, tel qu’il s’exerce dans les villes italiennes de Venise, Florence et Gênes. Quant à Israël, son vrai guide est Dieu, qui le garde par sa providence particulière.

Ainsi, s’il reste très médiéval dans ses conceptions philosophiques et religieuses, Abrabanel, par ses idées politiques, est nettement un homme de la Renaissance.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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